Un Brésil goût café

 

Il n’est pas tout à fait vrai qu’aux exportations de bois, de sucre puis d’or succèdent celle du café, car le premier plant de café fut déjà introduit depuis la Guyane jusqu’au Brésil en 1727.

 

 

 

 

Pendant un demi-siècle, le café est cultivé dans la capitainerie du Pará jusqu’à ce qu’il s’implante dans celle de Rio de Janeiro en 1761. Sa culture se développe autour de la baie de Rio et gagne ensuite la vallée du Paraíba au nord de la ville, entre la serra do Mar et la serra da Mantiqueira. C’est dans cette vallée que va se développer, au cours du XIXe siècle, la première économie caféière du Brésil, qui est à cette époque liée à l’esclavage.

 

On observe, dès le début de la production de café, deux types différents de producteurs de café, des fazendeiros, possesseurs d’un grand nombre d’esclaves, qui se consacrent exclusivement à la culture du café, et de petits sitiantes (fermiers) qui pratiquent la culture vivrière à côté du café.

À l’origine, les fazendas disposaient d’installations assez primitives, aussi le lancement d’exploitations de café exigeait moins de capitaux que la création d’un moulin à sucre. Ce qui fait que le café, comme l’or, était-il une activité plus démocratique que la canne à sucre.

 

La politique de mariages entre les fazendeiros conduisit à une concentration de la propriété et de l’exploitation du café. Entre familles alliées, on n’hésite pas à se prêter de l’argent à titre gratuit, sans compter les prêts hypothécaires ou ceux que font, de Rio, les maisons de commissions, intermédiaires entre les planteurs et les exportateurs, à des taux de 12 ou 18 % garantis par les récoltes. Enfin, après 1850, les banques aident les planteurs lorsque les capitaux, jusqu’alors utilisés pour le trafic des esclaves, deviennent disponibles après l’abolition de la traite. Ce développement du crédit est particulièrement destiné aux fazendas qui s’étaient endettées avant 1850 pour accumuler des réserves d’esclaves, mais il se révèle néfaste aux petites fazendas qui n’avaient pas pu faire ces réserves.

 

La culture du café se fait sur brûlis. Un esclave cueille en moyenne 75 livres de fruits par jour sur un arbre qui peut atteindre six mètres de haut. Le fruit est mis à sécher sur une plate-forme, le terreiro qui s’étend devant la casa grande du fazendeiro. Puis il est écrasé par une machine à piler, un engenho de pilões, pour donner la graine qui est triée selon sa taille. Certains fazendeiros possèdent dès 1852 une machine à vapeur, mais la plupart n’utilisent que la force hydraulique jusqu’en 1870.

 

La production et la surface cultivée en café n’ont cessé de s’étendre jusqu’en 1860, mais après cette date, le nombre des esclaves diminue et leur âge moyen augmente. Les sols s’épuisent. Les sitiantes spécialisés dans les cultures vivrières ne peuvent plus avoir d’esclaves. Ils deviennent agregados, c’est-à-dire tenanciers des fazendeiros. La production diminue tandis que le prix augmente, accentué par les  manœuvres spéculatives des commerçants de Rio. De plus, les procédés de culture sont restés traditionnels, si bien que les caféiers sont atteints par des maladies.

 

Pendant ce temps, des chemins de fer ont été construits. À partir de 1856 on construit un chemin de fer qui relie Rio à la vallée. Avant ce dernier, il fallait mobiliser le tiers des esclaves pour conduire jusqu’à Rio le convoi de mulets chargés de café sous la direction de l’arreador. Une mule ne pouvait porter que huit Arrobes, un Arrobe correspondant à 12 kilogrammes environ. Ces convois circulaient sur des  chemins souvent défoncés par les pluies et inondés de fleuves de boue. C’est ainsi qu’en 1855, le transport absorbait plus du tiers du prix du café, tandis qu’avec la voie ferrée, il suffisait de quelques chars à bœufs pour transporter le café jusqu’à la gare la plus proche. Du coup, l’agriculture se développait le long des voies ferrées.

 

Après 1870, la situation s’aggrave avec l’invasion des caféiers par les maladies à laquelle s’ajoute l’invasion des fourmis et des sauterelles et l’assèchement du climat dû, déjà, à la destruction des forêts. L’affranchissement progressif des esclaves amplifie la crise : tous les enfants nés après le vote de la loi Rio Branco de 1871 sont libres ; puis la loi des sexagénaires de 1885 affranchit tous les esclaves de plus de soixante ans ; enfin la lei áurea du 13 mai 1888 proclame l’émancipation totale des esclaves.

Du côté de la demande, le marché européen connaît une longue dépression économique : le prix du café, qui n’avait cessé de monter jusqu’en 1873, s’effondre de façon spectaculaire avant de se relever ensuite avec peine.

 

C’est la fin du premier cycle du café qui avait permis, aussi bien à Rio que dans la vallée du Paraíba, le développement d’une société de planteurs et de commerçants assez cultivés, au courant des modes de Paris et de Londres, reflets de la civilisation européenne.

 

À suivre…