La Guerre ressuscite le caoutchouc amazonien

 

Après nos premiers articles sur l’essor et la décadence du caoutchouc amazonien, nous verrons aujourd’hui comment la seconde guerre mondiale lui offrit une nouvelle opportunité de se développer avec ce que l’on a appelé la « bataille du caoutchouc », à partir de 1943.

 

Les zones d’extraction étaient abandonnées, si bien que l’on ne pouvait compter que sur trente-cinq mille travailleurs. Or il fallait presque tripler la production annuelle de latex, pour la faire passer de dix-huit mille à quarante-cinq mille tonnes, afin de respecter l’accord conclu entre le Brésil et les Etats-Unis. C’était le défi que comptait bien relever Getúlio Vargas, président du Brésil de l’époque.

Cent mille hommes semblaient nécessaires pour y répondre. Le recrutement des personnes intéressées à travailler dans les zones d’extraction fut exécuté par le « Service spécial de mobilisation des travailleurs pour l’Amazonie » (SEMTA) installé à Fortaleza, la grande ville du Nord-Est brésilien. Ce choix était dicté par la nécessité de répondre à la grande sécheresse qui y sévissait.

 

 

 

 

Pour soutenir la « bataille du caoutchouc », le gouvernement créa, outre le SEMTA, la «Superintendance pour l’approvisionnement de la vallée amazonienne» (SAVA), le «Service spécial de santé publique » (SESP), le « Service de navigation de l’Amazonie et de l’administration du port de Pará » (SNAPP) et une « Banque de crédit du caoutchouc » transformée en 1950 en « Banque de crédit de l’Amazonie ».

Les capitaux américains apportèrent de leur côté un organisme international, « Rubber Development Corporation » (RDC) qui permit de payer les frais de déplacement des migrants que l’on appelait  les brabos. En pratique, le gouvernement américain versait au gouvernement brésilien la somme de cent dollars pour chaque travailleur arrivé en Amazonie.

 

 

 

 

Des milliers de travailleurs de diverses régions du Brésil répondirent à l’appel du président pour se lancer dans l’aventure du latex. Cinquante-quatre mille travailleurs issus de la région du Nord-Est se rendirent en Amazonie, la majorité d’entre eux provenant de l’État du Ceará, des travailleurs nordestinos que l’on appelait les « soldats du caoutchouc ».

 

 

 

 

Chaque travailleur signait un contrat avec le SEMTA qui lui versait un petit salaire pour le voyage jusqu’en Amazonie. Puis dès son arrivée, il recevait une rémunération de soixante pour cent des gains obtenus de l’exploitation du caoutchouc. En outre, il se voyait attribuer un trousseau de base à la signature du contrat qui comprenait un jeans, une chemise de calicot blanc, un chapeau de paille, une paire d’espadrilles en crin de cheval, une corbeille, une assiette, des couverts, un hamac, une cartouche de cigarettes Colomy et un sac à dos.

Les travailleurs étaient logés dans un bâtiment construit à cette fin, sous surveillance militaire avant d’être embarqués à destination de l’Amazonie dans un voyage qui pouvait durer deux à trois mois.
 

 

 

 

Pour beaucoup de ces travailleurs, l’aventure était sans retour. Trente mille d’entre eux sont morts d’épuisement, de malaria, de fièvre jaune, d’hépatite ou des blessures infligées par les jaguars, des morsures de serpents ou des piqures de scorpions.

 

Le gouvernement brésilien ne tint pas sa promesse de ramener  les « soldats du caoutchouc » vers leurs régions d’origine à la fin de la guerre. Seulement six mille hommes y parvinrent par leurs propres moyens. L’histoire a cependant fini par leur rendre justice, en leur donnant le statut de héros.

Grâce à eux, ce fut pour l’Amazonie une nouvelle période de richesse et de  prospérité. L’argent recommença à couler à flots à Manaus et à Belém…

 

(À SUIVRE)

 

 

 

 

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