Simone Veil : modeste hommage

 

Les photos conservées de mon enfance le prouvent : nous formions une famille heureuse. Nous voici, les quatre frères et sœurs, serrés autour de Maman ; quelle tendresse entre nous ! Sur d’autres, nous jouons sur la plage de Nice, […] nous rions aux éclats, mes sœurs et moi, lors d’un camp d’éclaireuses… On devine que les fées s’étaient penchées sur nos berceaux. Elles avaient noms harmonie et complicité. Nous avons donc reçu les meilleures armes pour affronter la vie. 

Simone Veil, Une vie

 
 

 

 

Vendredi 30 Juin 2017 : Simone Veil vient de nous quitter, à l’âge de 89 ans.

L’Humanité a perdu un être exemplaire et une femme admirable.

Les quelques lignes que je tiens à lui consacrer aimeraient à garder vivants son courage et sa détermination dans son combat permanent pour la liberté.

 

 

 

 

  • Rescapée de la Shoah

 

Le 15 avril 1944, à l’âge de 16 ans, Simone Jacob arrive au camp d’Auschwitz-Birkenau :

 

« C’est une des dates que je n’oublierai jamais, avec celle du 18 janvier 1945, jour où nous avons quitté Auschwitz, et celle du retour en France, le 23 mai 1945. […] Elles demeurent attachées à mon être le plus profond, comme le tatouage du numéro 78651 sur la peau de mon bras gauche. À tout jamais, elles sont les traces indélébiles de ce que j’ai vécu. »

 

 

  • Femme

 

Mariée et mère de trois enfants, à une époque où l’on regardait d’un mauvais œil l’indépendance professionnelle d’une femme, Simone Veil réussit à devenir magistrat et à accorder dès lors une attention particulière à la cause féminine :

 

« ‘‘Mais vous êtes mariée ! Vous avez trois enfants, dont un nourrisson ! En plus votre mari va sortir de l’ENA ! Pourquoi voulez-vous travailler ?’’ Je leur ai expliqué que cela ne regardait que moi.  »

« Sans doute à cause de ce que j’avais subi en déportation, j’ai toujours développé une sensibilité extrême à tout ce qui, dans les rapports humains, génère humiliation et abaissement de l’autre. Détestant la promiscuité physique autant que l’aliénation morale, je ne pouvais que me considérer comme une sorte de militante des prisons. […] Je me suis en particulier beaucoup souciée du sort des femmes détenues. »

 

 

  • Ministre de la Santé sous le gouvernement de Jacques Chirac

 

Seule femme ministre sous la présidence de Giscard d’Estaing, Simone Veil devient responsable en particulier de la loi dépénalisant l’avortement. Une avancée extraordinaire concernant la liberté de la femme voit donc le jour, ce qui a valu à la Ministre les attaques les plus virulentes.

 

 

« Je voudrais tout d’abord vous faire partager une conviction de femme –  je m’excuse de le faire devant cette Assemblée presque exclusivement composée d’hommes : aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. […] C’est toujours un drame et cela le restera »
(extrait du Discours prononcé le 26 novembre 1974 à l’Assemblée nationale)

« Une partie de l’opinion, très minoritaire, mais d’une efficacité redoutable, s’est déchaînée. J’ai reçu des milliers de lettres au contenu souvent abominable, inouï. […] Je regrette d’ailleurs que tout ce courrier, et notamment les lettres les plus agressives, ait disparu. Mes assistantes de l’époque, scandalisées, déchiraient les pires de ces lettres. C’était une erreur ; il faut conserver ce genre de témoignage, afin de montrer de quoi certaines personnes sont capables, et rappeler aux esprits angéliques que les réformes de société s’effectuent toujours dans la douleur. »

 

 

  • Citoyenne de l’Europe

 

Présidente du premier Parlement européen élu au suffrage universel, Simone Veil a souhaité pendant les treize ans de son mandat relever trois défis majeurs : celui de la paix, celui de la liberté, et celui du progrès social.

 

 « Dès Septembre 1978, au cours d’un voyage au Brésil où je l’avais accompagné, le Président Valéry Giscard d’Estaing m’avait parlé des élections européennes. Je lui avais aussitôt donné mon accord. […] Au fond, tout au long de ma vie, j’ai eu la chance de pouvoir m’investir à ouvrir des brèches dans le conformisme ambiant, de mettre en convergence les phénomènes de société et les cadrages juridiques. »

 

 

 

Bien d’autres mots et instants seraient à relever dans la vie de cette Académicienne, vouée à un si noble parcours.

 

C’est dire mon émotion lorsque, le 13 juin 2015, à l’occasion de l’anniversaire de son Centenaire, la Commission Supérieure de l’Académie Arts-Sciences-Lettres, primée par l’Académie Française, m’a décerné une Médaille d’argent… alors qu’une grande Médaille d’Or avec plaquette d’honneur était décernée à Simone Veil.

 

Si, en termes de grandeur, une longue distance nous sépare, tel n’est pas le cas concernant nos visions de la liberté, privilège fragile, si constamment menacé. Que ce modeste hommage à sa mémoire comporte aussi toute ma gratitude à son égard.

 

 

 

 

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Extraits sortis du livre Simone Veil, Une vie, Paris, Stock, 2007.

 

 

 

 

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