Favelas : une approche culturelle

 

Les favelas brésiliennes attirent de plus en plus l’attention des touristes et des médias.

La violence et l’insécurité qui les rendaient trop dangereuses ont beaucoup diminué grâce, en particulier, aux différentes interventions des UPP (Unités de Police Pacificatrice) et des BOPE (Batalhão de Operações Policiais Especiais ou Bataillon des opérations spéciales de police).

Quelques projets touristiques ont ainsi pu voir le jour. C’est le cas du Rio Top Tour, mis en place en 2010 par le Ministère du Tourisme, sous le gouvernement de Lula da Silva. Il consiste à former certains habitants des favelas en tant que guides touristiques et à financer leur activité dans le secteur du Tourisme.

 

Vue de Rio à partir de la favela du Vidigal

 

En plus de cette ouverture à l’extérieur, source de revenus aussi bien pour le gouvernement que pour les commerçants des favelas, différents programmes et initiatives artistiques ont été créés. Ils offrent aux jeunes des voies alternatives, afin de les éloigner du trafic de drogues et de la délinquance

Les jeunes générations des favelas ont ainsi, de plus en plus, la possibilité de participer à des ateliers leur permettant de développer leurs talents et leur savoir-faire. Cela augmente leurs chances d’intégrer ultérieurement le marché du travail, dans un domaine correspondant à leurs propres passions.

 

 

Les différentes Institutions

 

  • Barraco #55

 

Barraco #55 est une initiative mise en place dans la favela Complexo do Alemão.

Il s’agit d’un centre culturel et de recherche qui regroupe le travail d’artistes, de chercheurs et d’étudiants aussi bien locaux qu’étrangers. L’objectif de ce projet est de promouvoir la culture et de faciliter les échanges culturaux, mais aussi de mettre en place des systèmes améliorant la vie de la communauté au sein de ce quartier.

 

Ce centre culturel dispose d’une auberge qui accueille les étrangers, d’ateliers artistiques et d’un forum sur leur site www.barraco55.org où de multiples personnes s’expriment à propos de leurs séjours et de leurs ressentis concernant la vie dans la favela. Voici un exemple écrit par Emily LeBaron, étudiante de l’Université Simon Fraser de Vancouver :

 

« Voici quelques pensées tourbillonnant autour de ma tête ce matin :
A partir de ce que j’ai entendu et vu, les habitants des favelas de Alemão estiment que leurs communautés ont été prises d’assaut par les forces UPP/BOPE. En ce sens, leur expérience quotidienne est une occupation militaire/politique, et que ces deniers veulent leur enlever leur territoire. Mais, alors que beaucoup de personnes externes aux favelas voient cela comme un conflit territorial entre les cartels et la police, beaucoup des « favelados » estiment que leur propre droit sur leur communauté a disparu aussi. En d’autres termes, puisque la majorité des habitants ici n’ont absolument rien à voir avec le trafic de drogue, ils n’avaient pas l’impression que leur communauté appartenait aux cartels avant cette pacification. Mais maintenant, après la pacification, ils estiment qu’ils ont été dépouillés du contrôle de leur communauté. Je commence à voir que ceux qui sont impliqués dans le tourisme de favela à Alemão ne s’intéressent pas à «capitaliser» sur leurs communautés qui ont retrouvé la « sécurité » à travers la pacification, mais plutôt à utiliser le tourisme comme un moyen de récupérer leurs droits sur leurs propres communautés. Par exemple, ici, l’ UPP patrouille dans les rues à toutes les heures du jour et de la nuit avec leurs fusils chargés. Attirer les touristes dans la favela n’est pas seulement un moyen d’éduquer les autres sur la réalité de celle-ci et lutter contre les mauvaises idées reçues; c’est aussi une façon de montrer à l’UPP que les habitants n’ont pas peur d’eux, et que ce sont eux qui doivent promouvoir leur communauté et de la partager avec qui ils veulent, de la façon dont ils veulent. De cette manière, être un guide devient un acte de récupération du territoire, une démonstration de leur capacité d’agir, et un acte de résistance. »

 

Cette étudiante en Master de Géographie Humaine, a créé un blog où elle présente son étude sur les favelas à Rio de Janeiro : imaginativegeographies.tumblr.com

 

Photographie prise par Emily LeBaron lors de son séjour au Complexo do Alemão

 

Barraco #55, en partenariat avec des collectifs et des artistes, mettent en place différents projets (débats, activités culturelles, développement durable) et festivals de musique. Ils organisent d’ailleurs deux événements de manière régulière :

 

–  CineMoto: il s’agit de projections des court-métrages avec un message social. Le projecteur se trouve sur une motocyclette, ce qui permet de projeter dans différents points dans les rues de la favela.

–   Segredos do Beco : en français « les secrets de la ruelle », c’est une installation de luminaires sur des poteaux de lumière qui présentent des différents aspects de la vie dans la favela.

 

 

 

  • Museu de Favela

 

 

Le Museu de Favela (MUF) est une organisation non gouvernementale créée en 2008 par plusieurs artistes dans les favelas Pavão-Pavãozinho et Cantagalo, peu avant l’arrivée de l’UPP. Ayant pour but de transformer ce quartier dans un centre touristique important dans le Sud de Rio de Janeiro, cette organisation a transformé 12 hectares de cette zone en musée en plein air. Les œuvres exposées regroupent le travail de plusieurs artistes locaux afin de donner un aperçu de la culture des favelas : la musique Hip-Hop, la samba, les héritages culturaux venus d’Afrique. Ces œuvres sont peintes sur les murs des maisons qui forment le circuit du musée, appelé « Casas Tela » (ce qui veut dire « maisons toile », comme s’il s’agissait de véritables toiles pour peindre).

 

 

De plus, le MUF propose des activités telles que des concours de graffiti, des créations artisanales, des projections cinématographiques, voir même des cours en relation avec le musée (son activité, ses valeurs).

 

 

 

  • Museu da Maré

 

Ce projet a été mis en place par le CEASM (Centre d’Études et Actions Solidaires de Maré) au sein du Complexo do Alemão.

Le Museu da Maré est un entrepôt d’équipement naval qui présente une exposition permanente divisée en 12 thèmes : Eau, Maison, Migration, Travail, Résistance, Vie Quotidienne, Enfants, Fête, Vacances, Foi, Peur et Futur. Le but de cette exposition est de montrer l’Histoire de Maré et de ses habitants.

Eau : c’est le début de Maré durant les années 1940, avec des habitations précaires construites en bois sur les limites de la baie de Guanabara. Cette section photographique de l’exposition montre la transformation du quartier.

– Maison : il s’agit de la réplique d’une ancienne maison en bois en taille réelle. Cette réplique est décorée à l’intérieur avec des meubles ou des appareils électroménagers qui ont été offerts par les habitants de la communauté.

Travail, Résistance, Vie Quotidienne : à partir de photographies et de témoignages documentés durant différentes époques, on observe les défis vécus par les habitants.

–   Foi, Fête : également à travers de photographies et différents objets, on explore ici les différentes traditions, célébrations et religions liées au Christianisme, mais aussi à la spiritualité venue d’Afrique.

–    Enfants : on y trouve des jouets qui ont appartenu à des enfants de la communauté.

–  Peur : cette partie de l’exposition évoque la vie difficile dans les anciennes maisons précaires en bois qui se trouvaient constamment menacées par l’eau ; elle fait aussi allusion à la violence dans le quartier.

 

Réplique des anciennes maisons en bois

 

A cette exposition permanente, il s’ajoutent d’autres expositions, des ateliers, une bibliothèque et un espace consacré à des activités culturelles liées à la musique et à la danse.

 

 

 

Des projets avec plusieurs partenaires :

 

  • Mostra de Artes das favelas – Festival

 

Mostra de Artes das favelas a débuté en 2010 à Maré, Rio de Janeiro. Ce projet vise à faciliter l’insertion professionnelle des jeunes artistes de la favela en organisant une exposition artistique (sculpture, photographie, peinture, musique, danse, théâtre, mode, artisanat) une fois par an. Ce festival se déroule en 3 jours (en 2013, il a eu lieu le 11, le 14 et le 20 Juillet), avec 3 programmes différents et dans 3 localisations différentes : Santa Cruz, Pavuna et Lapa.

Ce projet est une réponse au besoin des jeunes artistes. En raison de la stigmatisation existante envers les favelas, la plupart des entreprises se méfie de ces jeunes, estimant qu’ils n’ont ni le niveau ni le savoir-faire nécessaires à être embauchés. Par conséquent, le collectif Becos e Vielas Produções et l’ONG Ação Comunitária do Brasil, avec l’aide d’autres partenaires tels que le Ministère de la Culture, FUNARTE (Fondation National des Arts), le gouvernement de Rio de Janeiro et le gouvernement fédéral du Brésil organisent ce festival afin de montrer les capacités et les talents de ces jeunes artistes.

 

  • PETROBRAS et ses projets culturaux

 

PETROBRAS est une entreprise de recherche, d’extraction, de raffinage, de transport et de vente de pétrole et biocarburant.

L’entreprise dispose d’une section consacrée à la culture (Seleção Pública Petrobras Cultural), qui est dotée d’un budget d’environ 10 millions de reais destiné à financer l’organisation et la mise en place de spectacles, festivals et activités culturelles qui contribuent à la préservation de l’identité culturelle brésilienne.

PETROBRAS sponsorise également plusieurs projets, dont les suivants :

–    Festival Cine Favela de Curta-Metragem : festival de films qui ont été réalisés par des collectifs, ONG, associations et artistes indépendants, et qui offrent un aperçu de la culture des favelas.

–  CINECUFA : PETROBRAS finance le projet de CUFA (Central Unique des Favelas) qui consiste à offrir des cours et des formations liées à la production cinématographique (production, édition, photographie, etc.) aux jeunes défavorisés. À son tour, CINECUFA propose un festival (Festival Internacional de Cinema da Cufa) sponsorisé par PETROBRAS. Les films projetés ont été réalisés par des cinéastes venant de favelas, mais aussi d’autres milieux défavorisés du monde entier.

–  Collection « Tramas Urbanas » : c’est une collection de livres témoignant de la vie dans les favelas.

–  Favela Festival : c’est un festival de musique organisé par PETROBRAS, qui décerne des prix aux 3 meilleurs groupes ou musiciens. Ce festival est diffusé à la télévision, puis à la radio (station MPB FM). L’objectif est la diffusion et la commercialisation du travail des artistes des favelas puisqu’ils n’ont pas toujours les moyens de se faire connaître.

–  Institut Baccarelli : cet institut offre des formations musicales et artistiques aux jeunes défavorisés.

–  Musical « Orfeu » : c’est le musical « Orfeu da Conceição » de Vinicius de Moraes (inspiré de l’histoire d’Orphée et Eurydice dans la mythologie grecque) qui raconte l’histoire d’amour tragique de Orfeu et Euridice, deux jeunes issus du même milieu défavorisé des favelas.

 

Scène de « Orfeu da Conceição » en 2010 : photographie tirée d’un article du journal Folha de São Paulo

 

 

Sources

www.bbc.co.uk

www.google.com

www.turismo.gov.br/turismo/noticias

www.transartists.org/air/barraco-55

www.barraco55.org

www.facebook.com/segredosdobeco

www.museudefavela.org

www.facebook.com/museudefavela

www.museudamare.org.br/

www.riotimesonline.com/

www.mostradeartesdasfavelas.com.br/

www.petrobras.com.br/pt/

www.ppc.petrobras.com.br/

www.hotsitespetrobras.com.br/cultura/projetos/

 

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Ce sujet a été présenté par Melissa Bright, étudiante à l’Université de Nice Sophia Antipolis, France.

 

 

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