BOUILLON CULTUREL DE L’HIVER 2018

 

La Chaise Bleue de la Promenade des Anglais, véritable icône niçoise, doit ses origines à Charles Tordo, né le 16 février 1914 à Tourrette-Levens. L’histoire commence vers 1950.

 

Cet artisan ingénieux, passionné de mécanique, était déjà l’inventeur et le fabricant de nombreux objets, comme la poussette d’enfants en tubes, transformable en charriot pour que l’enfant joue dedans, ou alors en chaise, pour que la maman puisse s’asseoir pendant que son enfant jouait à ses côtés.

À l’époque, il fallait payer pour s’asseoir sur la Promenade des Anglais. Les « chaisières » vendaient aux passants intéressés, moyennant une somme modique, les tickets donnant le « droit d’utilisation pour la journée », et étaient elles-mêmes payées au nombre de tickets vendus.

C’est alors que Monsieur Ballanger, détenteur de la concession pour la mise à disposition sur la Promenade des Anglais, par la Ville de Nice, de ces « fauteuils » (appellation qui les distinguait des chaises pliantes) se voit confier la mission de fabrication de 800 chaises. Il fait appel à Charles Tordo. Ainsi commence l’aventure qui va rapidement devenir une affaire familiale.

 

 

Première Chaise Bleue © Gisèle Tordo

 

 

Les premiers fauteuils avaient des lattes de bois enchâssés dans un collier de métal, et cela afin d’éviter les boulons trop chers. En cas de casse d’une latte, la réparation était cependant difficile et les boulons sont donc devenus incontournables. C’est là que Charles Tordo met à contribution son épouse, Henriette Bailet, et ses deux enfants, Louis et Joséphine.

 

En voici quelques souvenirs de Louis Tordo :

« Le matin, avant de partir à l’école, et surtout le soir, ma sœur et moi dévissions les boulons pour la fixation, que nous recevions vissés avec leur écrou, préparant ainsi le travail de ma mère qui, durant la journée, perçait des trous, sur les lattes de bois qui serviront au montage du siège et du dossier. Le jeudi, le samedi, le soir, après les devoirs, nous dévissions…J’en avais attrapé un durillon à l’intérieur de l’index et j’ai fini par fabriquer une machine à dévisser les boulons, en équipant un petit moteur électrique de piano d’un embout à caoutchouc faisant office de doigt tournant. Du coup, comme cela allait plus vite, ma sœur s’est trouvée libérée ; quant à moi, mon père m’a occupé à autre chose ».

 

En effet, le travail ne manquait pas : le bois (exclusivement hêtre ou platane) venait de Belvédère dans le haut pays niçois. Il était débité en lamelles (lattes) et poncé ; le tube était cintré (la cintreuse était bien entendu réalisée par Charles Tordo) et la chaise assemblée. La peinture se faisait dans la rue… jusqu’à la création d’une chaine à peinture. Ensuite les chaises s’y empilaient en attendant le départ pour la Promenade.

 

 

Charles Tordo et une de ses fameuses Chaises © Gisèle Tordo

 

 

« J’en ai fabriqué des chaises, de Menton à Biarritz… », disait Charles Tordo, « On en peignait 90 par jour ».

 

Ce magnifique objet a été remanié au fil des années. La famille Tordo assurant également les réparations, les points de faiblesse étaient corrigés au fur et à mesure. La Chaise de la Promenade, de la couleur bleue de la Méditerranée, est devenue presque parfaite.

Après la disparition de Monsieur Ballanger, la concession s’est terminée et il y a eu un temps de vacance. Sa fabrication a cessé dans les années 1990.

Aujourd’hui, c’est la ville de Nice qui a repris, à son compte, l’installation de nouvelles chaises bleues, fabriquées en Haute Loire, « relookées » par le designer Wilmotte…

 

 

Promenade des Anglais 2018 © FJ

 

 

Les décideurs changent… mais la mémoire reste !

La petite Chaise Bleue de la Promenade sera à jamais liée au nom de son créateur et de la famille qui l’a entretenue et perfectionnée au fil du temps.

 

 

Modèle déposé (selon le plan d’origine de 1960, fait sur un calque et tiré sur du papier sensible révélé à l’ammoniaque)

 

 

Le square « Charles-Tordo » a été inauguré à Tourrette-Levens en 2009, en l’honneur de celui qui, passionné par son travail, toujours prêt à aider bénévolement les Tourrettans, n’a jamais fait attention à l’argent… ni sans doute à certains brevets…

Il nous a quittés le 28 juin 2003.

Son fils, Louis Tordo, et sa petite-fille, Gisèle Tordo-Guillaume, ont voulu pérenniser la mémoire de cette œuvre unique, emblème par excellence de notre ville bien aimée. C’est la vocation du « Relais de la Chaise Bleue », situé à Tourrette-Levens, que l’on peut découvrir autrement sur le site www.lerelaisdelachaisebleue.com.

 

 

Louis Tordo et Gisèle Tordo-Guillaume
– fils et petite-fille de Charles Tordo –

 

 

On y trouve les vraies Chaises Bleues sous toutes ses formes…

Leur couleur d’aujourd’hui, le Ral 5015 80% de brillance, sied à merveille avec l’azur de notre Association.

Elles ont été projetées par Gaspare di Caro sur le Christ du Corcovado, à Rio de Janeiro, en mémoire des victimes du terrible attentat du 14 juillet 2016 sur la Promenade des Anglais.

Ce fut donc avec un très grand plaisir que ce Bouillon culturel de l’Hiver 2018 a été organisé, le 17 février dernier, autour de cet objet quasi-mythique, dans le restaurant qui lui rend également hommage, « La Chaise Bleue Gourmande », tenu par Antoine Soave, que nous remercions pour son sympathique accueil.

 

 

 

 

Nous sommes très honorés de compter Louis Tordo parmi les Membres de notre Association.

Un grand merci à son épouse et à sa fille, également présentes.

 

 

Maryse Tordo, épouse de Louis Tordo, et Gisèle Tordo-Guillaume, leur fille

 

 

avec Antoine Soave

 

 

 

 


 

 

 

 

 

 


 

 

 

 

 

Photos de la rencontre © Brasil Azur

 

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Ce texte résume les informations transmises oralement lors de cette rencontre par l’admirable conteur Louis Tordo, et celles contenues dans le petit livre La véritable histoire de la « première Chaise Bleue », écrit par Gisèle Tordo.

 

 

 

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