1964 – 1985 : La dictature militaire au Brésil

 

L’année 2014 est dense pour le Brésil. Si l’attention des médias se tourne plutôt vers la Coupe du Monde qui débute dans ce pays au mois de Juin prochain, il est fondamental de rappeler qu’il y a juste cinquante ans, un coup d’État militaire instaurait, pour plus de vingt ans, un régime dictatorial particulièrement répressif.

 

 

Pour la première fois depuis la proclamation de la République en 1889, l’armée allait réussir à priver progressivement la société civile de tous ses droits. Celui à la culture en particulier.

 
BREF SURVOL HISTORIQUE SUR CES ANNÉES NOIRES…
 
 

Années soixante au Brésil : on est dans le contexte de la guerre froide entre l’Orient communiste et matérialiste et l’Occident de tradition chrétienne, auquel ce pays continent se rattache.

La notion de « sécurité nationale » envahit les domaines politiques, économiques et psychosociaux brésiliens. Cette idéologie intègre donc la doctrine de la guerre froide familière à une grande partie des officiers, sortis de l’École supérieure de guerre créée avec l’aide des Américains. Elle incorpore aussi les stratégies antisubversives construites par l’École de guerre française confrontée aux luttes anticoloniales. Mais, bien entendu, elle est également ancrée dans des éléments à caractère national, hérités du positivisme et du tenentismo.

 

 

Sous prétexte d’anticommunisme, et pour éviter que la « subversion » transforme le Brésil en un nouveau Cuba, la « ligne dure » des putschistes du 31 Mars 1964, qui avaient destitué le président João Goulart, forme une junte autour du maréchal Artur da Costa e Silva.

Elle décrète, le 9 avril suivant, un Acte institutionnel (AI) prévoyant l’élection par le Congrès d’un président de la République chargé de modifier la Constitution.

Le 11 Avril 1964, après avoir épuré le Congrès et les forces armées d’une centaine de leurs membres jugés subversifs, Castelo Branco devient Président du Brésil.

 

 

Castelo Branco

 

 

Dans les semaines suivant le coup d’État, les libertés civiles ne cessent de se réduire. Malgré la dénonciation par la presse du recours à la torture par les militaires, ces pratiques sont niées et s’accentuent en toute impunité. Le 13 juin 1964, les militaires créent le Service national de renseignement (SNI : Serviço Nacional de Informações), dont le siège est à Brasília. De nouveaux Actes institutionnels, cette fois numérotés, renforcent la répression. Aussi l’AI-2, du 27 octobre 1965, dissout-il les partis politiques et retire-t-il l’élection du président du suffrage universel direct. En 1967, Costa e Silva devient lui-même président.

 

 

L’Acte institutionnel le plus redoutable, le AI-5, du 13 décembre 1968, marque le début des « années de plomb » [« anos de chumbo »] (1968-1973).

 

 

Photo prise par Orlando Brito

 
Le pouvoir militaire se place au-dessus de la société civile et de la Constitution.

Toute personne considérée comme « dangereuse pour la sécurité nationale » doit être bannie hors du Brésil. Plusieurs artistes, comme Caetano Veloso, Chico Buarque, Gilberto Gil s’exilent en Europe. La prison perpétuelle ou la peine de mort sont prévues en cas de « guerre extérieure, psychologique, révolutionnaire ou subversive ». Le SNI surveille les fonctionnaires, met sur écoute toutes sortes de citoyens, collabore avec les services secrets occidentaux. Avant de devenir présidents de la République, les généraux Emílio Médici et João Figueiredo ont été chefs du SNI. L’Armée de terre, l’Armée de l’air et la Marine possèdent à leur tour leurs propres Services de renseignement. De multiples prisonniers « disparaissent » sans laisser de trace. Face à la mobilisation étudiante de plus en plus importante au cours de l’année 1968, la guerre contre « l’ennemi intérieur » est renforcée. Les nombreuses provocations à l’encontre des étudiants fichés par la police incitent certains jeunes à passer dans la clandestinité. La censure des moyens de communication, l’expulsion d’un grand nombre d’intellectuels, l’interdiction de centaines d’ouvrages, films et pièces de théâtre nourrissaient peu à peu l’obscurantisme.

 

 

À São Paulo, en 1969, l’armée et la police deviennent solidaires dans l’« Opération Bandeirantes » (OBAN). Le redoutable commissaire Sérgio Fleury, chef présumé de l’« escadron de la mort », y joue un rôle majeur. Ils ont carte blanche pour démanteler toute organisation clandestine et lutter contre le « terrorisme ».

Cette Opération est prolongée par les CODI, Centres d’opération de défense intérieure. Ceux-ci dirigent en particulier les DOI (Détachements d’opérations internes), équipes habillées en civil et agissant sous pseudonyme, chargées d’« enlever » les suspects dans des véhicules banalisés. La peur s’installe.

 

 

Pendant ces « années de plomb », le PIB brésilien connaît une croissance annuelle moyenne extraordinaire, le taux d’inflation reste raisonnable. C’est la période du « miracle économique », qui fait du Brésil le meilleur exemple de décollage d’un pays du tiers monde. Les entreprises étrangères sont incitées à venir s’y installer. Le faible coût de la main-d’œuvre, un ordre politique garantissant la sécurité des investissements, un marché prometteur, tout cela a attiré au Brésil de nombreuses firmes dans les domaines de l’automobile, de la construction électrique, de l’électroménager, de la chimie-pharmacie, de l’agro-alimentaire. General Motors, Ford, Chrysler rejoignent Fiat et Volkswagen à São Paulo. Le nombre des entreprises publiques augmente également. Le gouvernement crée dans l’État de São Paulo l’entreprise brésilienne d’aéronautique, Embraer. Il met en place Telebrás, pour le téléphone. Les exportations agricoles se diversifient. La production d’éthanol s’intensifie, dans le but de limiter la dépendance du Brésil de ses importations pétrolières. La dictature militaire fait construire le barrage d’Itaipú, le plus grand du monde avant l’inauguration du barrage des Trois Gorges en Chine, en 2006.

 

 

Des slogans comme « Grand Brésil », « Aime le Brésil ou quitte-le », « En avant Brésil ! » servent la propagande ultranationaliste des années Médici.

 

 

 

 

La troisième victoire de la Seleção et les exploits de Pelé sont récupérés par le régime, qui créé de nouvelles chaînes de télévision au service de la communication gouvernementale.

« Si le Brésil avait été ce que ce prêtre gauchiste devenu fou décrit, jamais il n’aurait pu présenter ces athlètes invincibles dont l’énergie combative s’identifie à l’énergie nationale qui a fait l’unité de ce colosse en marche à grandes enjambées vers le futur », voilà ce que l’on peut trouver sur l’éditorial de O Estado de São Paulo, « Dom Helder e a copa do mundo », du 30 juin 1970. Il y est question de l’action de l’évêque Dom Helder Câmara, défenseur reconnu des droits de l’Homme au Brésil, qui, dans ses conférences à l’étranger, dénonce la violence de la dictature brésilienne.

 

Les choix de l’État sont tournés vers les investissements productifs, au détriment de l’investissement social (santé, éducation, habitat, transports), ce qui affecte lourdement les conditions de vie des plus défavorisés.

La question sociale n’est cependant pas entièrement négligée pendant ces années-là. Les domestiques, les ouvriers agricoles et les travailleurs indépendants acquièrent le droit de s’affilier au régime de la Sécurité sociale brésilienne, l’INPS, créée en 1966. Médici se propose de déplacer « les hommes sans terre vers les terres sans hommes », à travers un Plan de colonisation de la région amazonienne par des migrants, à qui on promet de multiples avantages. Les fièvres et les maladies, ainsi que les conflits entre squatters et grands propriétaires, mettent à mal ce projet.

 

 

Le « miracle économique » s’arrête brutalement en 1973. La Banque mondiale accuse le Brésil de mener une politique aboutissant à la concentration des revenus et à l’accroissement des inégalités sociales. Le déséquilibre géographique s’accélère. La région industrielle du Sud-Est s’enrichit, les régions du Nord et du Nordeste s’appauvrissent.

Le général Ernesto Geisel, un proche de l’ex-président Castelo Branco, est élu en 1974.

 

 


Ernesto Geisel

 

 

Alternant l’assouplissement et l’austérité, il réveille la société civile. Les « métallos » paulistes se mettent en grève : leur leader est Luís Inácio Lula da Silva.

Geisel renforce alors la répression envers tout ce qui est jugé comme « repaire progressiste ».

En octobre 1975, on annonce la mort par suicide du journaliste juif Vladimir Herzog. Personne ne croît à la version officielle.

Les relations du Brésil avec les États-Unis se détériorent.

Le recours au terrorisme est utilisé par les plus radicaux des agents de sécurité pour mettre fin à l’« ennemi intérieur » redéfini en permanence.

Face à la crise du dollar et à la crise pétrolière, la dette extérieure du Brésil et le taux d’inflation s’envolent. L’État est au bord de la faillite. En 1981, le pays connaît sa première récession depuis 1945. En l’absence de tout système d’allocation-chômage, l’effondrement de l’emploi créé une situation de panique nationale.

Lorsque João Batista Figueiredo, président depuis 1979, s’apprête à quitter le pouvoir fin 1984, l’inflation brésilienne est de 223% et la dette externe est proche des 100 milliards de dollars.

 

 

De nouvelles formations politiques voient cependant le jour :

 

–          Le PDS (Parti social-démocratique, regroupant les partisans du régime)

–          Le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien)

–          Le PDT (Parti démocratique travailliste)

–          Le PT (Parti des travailleurs)

 

Les premières élections libres ont lieu le 15 novembre 1982 : 45 millions d’électeurs se rendent aux urnes pour choisir les gouverneurs, les députés et les sénateurs fédéraux.

 

La majorité de la chambre des députés est alors acquise à l’opposition mais le PDS réussit à garder la majorité au sénat et la moitié des États de la Fédération.

 

 

Tous les efforts de l’opposition se concentrent sur les élections de 1985.

Tancredo Neves (PMDB) est désigné comme leur candidat à la présidence.

José Sarney (ancien PDS, sénateur du Maranhão) devient candidat à la vice-présidence.

Le 15 janvier 1985, ces deux hommes obtiennent 480 voix sur les 686 du collège électoral, ce qui permet à l’alliance conservatrice de l’opposition et à l’aile libérale de la dictature d’assurer la transition vers la démocratie.

 

Hospitalisé 12h avant la passation des pouvoirs, Tancredo Neves décède le 21 avril de la même année.

C’est donc José Sarney, ex-dirigeant du parti des militaires, qui est propulsé à la tête de l’État, devenant le premier Président civil du Brésil depuis 1964. C’est à lui que l’on demandera de mettre en place un nouvel ordre démocratique…

 

 

 
José Sarney

 

 
DEVOIR DE MÉMOIRE ET DE VÉRITÉ
 

 

Les crimes de la dictature brésilienne (1964-1985) ne sont que très progressivement dévoilés.

 

En 1992, par exemple, un ancien agent des services d’information de l’armée interviewé par l’hebdomadaire Veja, a décrit des pratiques consistant à achever les détenus, torturés au préalable, avec des injections destinées à des chevaux. Selon lui, des cadavres avaient été découpés et dispersés.

 

Au nom de la réconciliation générale, la loi d’amnistie de 1979 a placé sur le même plan les opposants au régime et les tortionnaires.

 

 

 

 

Elle continue encore à protéger les militaires et à obstruer en partie le travail de la Commission nationale de la vérité (CNV), créée par la présidente Dilma Rousseff dans le but d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, en particulier pendant la période de la dictature militaire. Selon le journal brésilien O’Globo, la CNV devrait communiquer ses rapports en mai 2014.

 

 

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