Le 7 septembre 1822 : l’Indépendance du Brésil, le « cri d’Ipiranga »

 

La richesse culturelle du Brésil n’est pas sans rapport avec les relations historiques particulièrement originales que le Portugal a entretenu avec son ancienne colonie.

La proclamation de l’Indépendance brésilienne, célébrée le 7 septembre, en est une illustration.

Laissons-nous transporter dans le temps, pour un bref résumé de ces événements cruciaux dans l’Histoire des deux peuples :

 

 

Nous sommes le 7 mars 1808…

 

 

La reine du Portugal Dona Marie Ire, démente depuis 1792, le prince régent Dom João, la famille royale et une partie de la Cour entrent dans la baie de Guanabara, à Rio de Janeiro. Ils s’étaient arrêtés à Salvador de Bahia en janvier 1808, avant de reprendre le voyage qui ferait de Rio la capital de la monarchie portugaise de l’époque…

 

 

Toile de Aparecida Azevedo
Musée d’Art Naïf à Rio de Janeiro

(Photo F.I.)

 

 

Rappelons en effet que Napoléon avait décrété le Blocus continental en 1806, par lequel toute nation neutre refusant d’arrêter de commercer avec la Grande-Bretagne serait considérée comme ennemie de la France. Le Portugal, tributaire d’un passé d’alliances avec les Anglais, ne pouvait s’y plier. Une « Cour » réduite à environ 500 personnes accompagne alors la reine dans son départ pour le Brésil, avant que les troupes du général Junot n’arrivent aux portes de Lisbonne, en novembre 1807. Le peuple portugais reste sous tutelle britannique.

 

La population de Rio de Janeiro s’élevait à cette période à environ 60 000 habitants. Rien dans cette ville n’était prévu pour accueillir de si illustres individualités. De nombreux quartiers étaient insalubres et les rues, certaines conservées jusqu’à nos jours, très étroites. Des odeurs fétides s’exhalaient parfois de cette ville plutôt sale.

 

La Maison du Vice-roi devient le Palais royal, espace bien humble à l’époque pour accueillir la famille royale. Le Prince décidera d’occuper plus tard la Quinta da Boa Vista.

 

 

Palais royal à Rio (photo actuelle F. I.)

 

 

Très vite, dès 1808…

 

 

Les riches familles ayant prospéré dans le commerce du sucre entourent le prince-régent.

D’autres membres de la noblesse portugaise et des diplomates étrangers rejoignent le gouvernement. Encore pendant sa pause à Bahia, Dom João avait ordonné que tous les ports du Brésil puissent accueillir les denrées et les marchandises provenant de pays en paix avec le Portugal… qui, de ce fait, perd son statut d’intermédiaire commercial exclusif entre les pays européens et sa colonie… et se voit privé de sa seule source de recettes fiscales. Il procède ensuite au transfert des pouvoirs de la monarchie de Lisbonne à Rio.

 

Encore en 1808, le prince régent fonde l’Imprimerie royale et crée deux écoles de chirurgie à Rio et à Salvador de Bahia. Une banque du Brésil voit le jour dans la capitale. Des fabriques sont également créées.

L’accès aux 60 000 ouvrages qui, ayant suivi la Cour, constituaient la bibliothèque royale, est ouvert au public dès 1810… date à laquelle une académie militaire et une académie de marine sont organisées à Rio.

En 1813, le théâtre São João est inauguré dans le but de procurer des divertissements à la bonne société de Rio et d’accueillir les célébrations politiques. Le Jardin botanique est construit, ainsi qu’un Observatoire d’astronomie.

 

 

Dans sa volonté de valoriser la colonie devenue son « chez soi », le prince-régent élève alors le Brésil au rang de royaume. Le nom officiel de la monarchie devient, en 1815, « Royaume-Uni du Portugal, des Algarves et du Brésil ». Les capitaineries sont transformées en provinces.

 

En mars 1816 arrive à la capitale une mission d’artistes et d’artisans français, recrutés dans l’objectif de la création d’une École royale des sciences, des arts et des métiers. Parmi eux, le peintre Jean-Baptiste Debret et l’architecte Grandjean de Montigny, qui iront ensuite former toute une génération d’artistes brésiliens. Le premier, séjournant longtemps au Brésil, est devenu le plus grand chroniqueur visuel de ce pays. Il a transformé les rues en théâtres vivants et les gens, toutes classes sociales confondues, en acteurs sociaux. Debret a su peindre l’histoire de la vie quotidienne du Brésil du XIXe siècle, son œuvre ayant donc une valeur inestimable.

 

 

Porte illustrée par Jean-Baptiste Debret situé au 38, rua do Ouvidor – Rio

 

 

Détail sur la porte

(Photos F. I.)

 

 

L’immigration européenne catholique est également favorisée. En 1819, des familles suisses fondent Nova Friburgo dans les montagnes de la province de Rio de Janeiro. Les premiers Allemands arrivent peu après dans le Sud.

 

 

Des tensions dans la monarchie émergent néanmoins…

 

 

Toute cette nouvelle organisation des pouvoirs engendre des mécontentements.

La Couronne portugaise, privée d’une partie des droits sur les marchandises importées, décide de taxer davantage le sucre et le coton. Productions phares du Nord-Est brésilien, cette mesure va créer un fort mécontentement au Pernambouc, où les loges maçonniques deviennent très actives. Un soulèvement général contre l’absolutisme conduit à une révolte en février 1817 et à la proclamation de la « république du Pernambouc ». La ville de Rio de Janeiro, première bénéficiaire des recettes de la monarchie, reste bien entendu fidèle à Dom João VI, qui avait succédé à sa mère en 1816. Les troupes royales écrasent la république pernamboucaine. Cette révolution montre cependant que la moitié nord du Brésil, dotée d’un intense potentiel d’explosion sociale, se sent délaissée en termes d’identité politique dans le nouveau royaume.

 

C’est cependant Porto, deuxième ville du Portugal, qui, en 1820, va remettre en cause de façon radicale le Royaume-Uni du Portugal et du Brésil.

 

 

La révolution portugaise…

 

 

Abandonné par son roi en 1807, las de la tutelle britannique, subissant le marasme économique de l’après-guerre, le Portugal se sent amèrement relégué à une position de subalterne. Si, à Rio, Dom João VI est vu comme le roi qui a émancipé le Brésil, à Lisbonne il est plutôt considéré comme un lâche qui a fui devant les troupes ennemies.

Le 24 août 1820, une révolution libérale éclate alors à Porto et s’étend rapidement à Lisbonne. Le 27 septembre, une junte gouvernementale convoque la réunion d’une assemblée constituante, les Cortes.

 

Dom João VI se voit contraint de choisir : soit il rentre au Portugal et tente de faire face aux Cortes, soit il reste au Brésil, en courant le risque d’une rupture dans le royaume.

 

Le Pará, région du Nord-Est brésilien, très lié depuis toujours au Portugal, proclame néanmoins sa fidélité aux Cortes. D’autres villes brésiliennes suivent la révolution libérale portugaise. Dom João VI décide donc de rentrer au Portugal, en laissant son fils Dom Pedro comme régent du Brésil.

La population de Rio accepte mal le départ du roi.

Quant aux provinces du Nord, elles refusent toute subordination à la capitale brésilienne et ne reçoivent d’ordre que de Lisbonne.

 

 

À leur tour, les Cortes ne nourrissent aucune animosité contre le Brésil, mais défendent l’idée de l’unité et de l’indivisibilité de la nation portugaise. Elles considèrent donc le Brésil comme un agrégat de provinces dont la capitale est Lisbonne et non comme un royaume de même nature que le Portugal (comme la formule « Royaume-Uni » le laissait sous-entendre). Ces provinces sont cependant reconnues comme des corps politiques et bénéficient d’une certaine autonomie dans la gestion de leurs affaires. Les Cortes refusent en revanche le lien de type fédéral qui, selon la demande des députés du Brésil siégeant à cette assemblée constituante, devrait unir les provinces brésiliennes au Portugal.

 

D’abord bien reçu par la plupart des provinces brésiliennes, le projet politique régénérateur des Cortes va bien sûr aboutir à l’annihilation de la régence. Dom Pedro reçoit des Cortes l’ordre de rentrer à Lisbonne.

Cela émeut les élites de Rio de Janeiro, qui voient dans cette décision la disparition de tous leurs privilèges.

 

La résistance aux Cortes, organisée dans les provinces du Sud-Est brésilien, va faire de Dom Pedro le chef de la « Cause du Brésil ». Une pétition soutenue par 8000 signatures supplie le prince-régent de désobéir aux Cortes et de rester au Brésil.

 

Le 9 janvier 1822 deviendra connu comme celui du « Fico » (« Je reste »)

 

L’exaspération des Cortes se traduit par l’envoi de troupes portugaises au Brésil et la nomination de gouverneurs militaires dans les provinces. A Rio, on dénonce leur volonté de « recoloniser » le pays… alors que les députés régénérateurs, soutenus par les commerçants de Porto et de Lisbonne en grande difficulté financière (à la suite des mesures fiscales prises par Dom João et de l’oppression britannique), voulaient surtout empêcher un retour à la situation vécue par le Portugal entre 1808 et 1820. La rupture s’installe.

 

 

 

L’Indépendance…

 

 

Le 7 septembre 1822, excédé par de nouvelles directives des Cortes qui prétendaient mettre fin à ses pouvoirs, Dom Pedro proclame alors l’Indépendance du Brésil, sur les berges de la rivière Ipiranga, près de la ville de São Paulo.

 

Son célèbre cri ce jour-là, « l’Indépendance ou la mort ! », restera connu sous le nom de « cri d’Ipiranga » !

 

 

Toile de Aparecida Azevedo
Musée d’Art Naïf à Rio de Janeiro

(Photo F.I.)

 

 

Dom Pedro Ier devient, à l’âge de 24 ans, l’ « empereur constitutionnel et défenseur perpétuel du Brésil par la grâce de Dieu et l’unanime acclamation des peuples ».

 

Seules les provinces du Sud et de Minas Gerais se rallient à Dom Pedro au moment où il proclame l’indépendance du Brésil. L’adhésion des autres provinces est ultérieure à son couronnement en tant qu’empereur. Ce n’est qu’en 1823 que Goiás, Mato Grosso, Bahia, le Maranhão et le Pará, longtemps fidèles à Lisbonne, entrent dans le nouvel Empire.

 

Le premier drapeau du Brésil indépendant sera dessiné par le peintre français Jean-Baptiste Debret.

 

 

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Pour un plus grand approfondissement du sujet :

–    Armelle Enders, Nouvelle Histoire du Brésil, Paris, Chandeigne, 2008.

–   Bartolomé Bennassar et Richard Marin, Histoire du Brésil : 1500-2000, Paris, Fayard, 2000.

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