BOUILLON CULTUREL DU PRINTEMPS 2018

 

« Le personnage de Cyrano me hantait depuis le collège et lentement à mon insu il s’organisait autour de lui une action dramatique. Cela me restait encore très vague, quand je rencontrais un maître d’études surnommé Pif-Luisant. Son âme était aussi belle que son physique était disgracieux… »

Edmond Rostand raconte l’émergence du célèbre personnage…

 

 

Hercule Savinien Cyrano (1619-1655), dit Cyrano de Bergerac, est un poète et libre penseur français. Edmond Rostand, s’en inspirant librement, le rend mondialement célèbre.

 

 

 

 

En cette année où l’on commémore à la fois le 150ème anniversaire et le centenaire de la disparition d’Edmond Rostand (1868-1918), il nous est particulièrement plaisant de rendre hommage à l’esprit brillant et avant-gardiste de cet écrivain, dramaturge, poète et essayiste français que l’on n’apprécie pas à sa juste valeur.

Une de ses pièces de théâtre a cependant connu un immense succès, en France comme à l’étranger, alors qu’il n’était âgé que de 29 ans : « Cyrano de Bergerac ».

C’est sa magnifique réadaptation au théâtre par Marc Concas qui a fait l’objet de notre Bouillon culturel du Printemps 2018, ayant eu lieu hier au Théâtre de l’Eau Vive.

 

 

 

 

Cyrano a été magistralement interprété par l’excellent comédien (psychologue de métier) Didier Veschi.

Frédérique Grégoire était saisissante dans le rôle de Roxane, Bernard Gaignier parfait dans celui de De Guiche.

Un grand bravo à tous les autres comédiens de cette Troupe des « Affranchis » qui ont su honorer cette pièce faite d’un lyrisme étincelant, riche en sensibilité, humour et intelligence.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Quelques mots encore sur Edmond Rostand et sa vie après « Cyrano de Bergerac »…

 

En 1900, l’écrivain part à Cambo-les-Bains pour soigner une affection pulmonaire.

Grâce au triomphe de « Cyrano de Bergerac », et au succès de sa nouvelle pièce « L’Aiglon » (1900), le dramaturge dispose des moyens financiers nécessaires pour confier à l’architecte parisien Albert Tournaire, Grand Prix de Rome, le projet de construction d’une vaste demeure. En 1906, « Arnaga » voit le jour.

 

 

 

 

Cette villa ressemble aux métairies basques avec leurs façades blanches à pans de bois et leurs toitures à double pente inégales.

Les différentes pièces de la maison, décorées par des artistes de renom, comportent de beaux parquets de bois exotiques et un mobilier riche, complété par des portraits et des panneaux peints, intégrés dans des lambris marquetés.

 

 

 

 

 

 

Edmond Rostand s’intéresse également aux sciences et fait en sorte que sa villa dispose du confort le plus moderne pour l’époque : le chauffage, l’électricité, l’eau chaude et l’eau froide et même une salle dédiée à l’hydrothérapie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

C’est dans cette demeure que l’écrivain travaille des années durant à sa pièce « Chantecler », ce qui fait dire à certains qu’ « Arnaga et Chantecler sont des œuvres jumelles ».

 

 

 

 

« Les deux projets occupent l’esprit du poète », lit-on sur l’un des documents mis à disposition du public dans l’actuel musée d’Arnaga. « Il n’est pas rare de le voir dessiner d’un côté d’une feuille des coqs, des poules et des merles et de l’autre des croquis d’architecture ».

La pièce en quatre actes, très attendue par le public, sort le 6 février 1910, après des retards répétés (coups de sort, maladie, décès de l’acteur principal, pannes électriques au moment de la dernière répétition,…) qui irritent quelques-uns.

Elle raconte la vie quotidienne des animaux d’une basse-cour, dont le coq Chantecler détient un terrible secret : le Soleil se lève par son chant.

Il s’agit d’une allégorie des sentiments et des passions humaines.

Chantecler partage avec Cyrano de multiples traits de caractère. Tous les deux sont enthousiastes, fougueux, indépendants. Chantecler a horreur des médisants, des « crapauds qui bavent sur la beauté ». De l’Aiglon, il tient le désir d’être utile, la volonté de sacrifier son être au bien commun.

On y découvre la sentimentalité tendre et profonde, l’esprit ironique et malicieusement bienveillant d’Edmond Rostand lui-même.

Cette pièce, qui montre des animaux de taille humaine dans un univers aux proportions de géants, et qui exige une mise en place extrêmement complexe des décors, se révèle trop ambitieuse pour l’époque.

Perfectionniste de nature, Edmond Rostand observe pendant des années les animaux réels qui seront ensuite mis en scène. Leurs démarches, leurs modes de vie, leurs aspects, sont minutieusement et rigoureusement étudiés dans sa demeure et au plus près de la nature. Il fait aussi venir de Paris une collection d’oiseaux empaillés : faisans multicolores, coqs de bruyère, ibis, etc. Il lit les œuvres littéraires qui mettent en scène des animaux. Des documents scientifiques (traités, guides, atlas scientifiques,…) lui servent également d’appui pour sa pièce.

L’exigence de réalisme de l’auteur va au point de vouloir transformer les acteurs en animaux géants, à l’apparence aussi vraie que possible. Les costumes, fabriqués dans les ateliers du théâtre, ont un même principe : « une base de toile armée de baleine ou posée sur un châssis d’osier sur laquelle sont cousues des plumes véritables. Il faudra neuf cents Kilos de plumes ! ».

Des mécanismes ingénieux sont inventés pour quelques-uns des personnages, comme une machinerie « servant à déployer la queue du paon de 5m de large ». Les costumiers, censés respecter les esquisses d’Alfredo Edel, dessinateur de renommée internationale, voient donc leur tâche se compliquer terriblement.

 

 

Aquarelle d’Alfredo Edel
Le costume de Chantecler dessiné pour Coquelin en 1908

 

 

 

 

« La création des costumes de 129 animaux aura nécessité 30 ouvriers – costumiers, bonnetiers, peaussiers, ceinturonniers, plumassiers, fabricants d’yeux, cordonniers et fourreurs – pendant 120 jours. Une fortune… »

Malgré les critiques mitigées après la Générale, tous s’accordent néanmoins sur la virtuosité des acteurs et sur l’originalité, la prise de risques, le génie poétique d’Edmond Rostand.

Compte-tenu des prouesses techniques mises en œuvre, cette création restera unique dans l’histoire du théâtre.

 

 

 

 

L’effervescence autour de la pièce aura pourtant disparu un an après la Première.

L’une des raisons est sans doute la difficulté pour une partie du public à comprendre les nombreuses allusions savantes et les abondants jeux de mots qui transmettent à « Chantecler » toute sa saveur. La critique sociale sous-jacente en a agacé par ailleurs bien d’autres. Des campagnes de dénigrement médiatique ont d’autre part été menées par des journaux comme l’Humanité et la presse nationaliste.

 

 

 

 

 

 

 

Edmond Rostand est décédé à l’âge de 50 ans de la grippe espagnole.

« Arnaga » a été classé Monument historique en 1995.

 

 

 

Photos © Filomena Juncker

Informations recueillies pour la plupart à Arnaga

 

Rappelons que « Chantecler » a été le nom choisi pour le prestigieux restaurant de l’Hôtel Negresco, icône de notre ville de Nice, en hommage à ce grand écrivain.

 

 

 

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