Brésil : un pays dans la tourmente

 

Ce site culturel est apolitique. Il est pourtant nécessaire de communiquer sur certains moments d’extrême gravité qui atteignent le Brésil tout entier, bien au-delà de la sphère purement politique. Car cela nous affecte également.

Hier, vendredi 6 avril 2018, l’ex-président Lula, devenu pendant ses mandats une icône internationale, ne s’est pas rendu à la justice pour purger une peine de prison pour corruption. Il s’est retranché au siège du syndicat des métallurgistes de São Bernardo do Campo, près de São Paulo. Selon certaines Organisations des Droits de l’homme, cette demande d’arrestation violerait des principes constitutionnels de présomption d’innocence et suivrait une logique d’« emprisonnement sélectif ».

 

 

Photo : Ricardo Stuckert

 

 

Si cette arrestation de Lula montre la volonté d’un pays de mettre un terme aux pratiques crapuleuses de l’ensemble de la classe politique, dont aucun membre, si populaire soit-il, ne doit être au-dessus des lois, elle pourra être considérée comme une décision louable, la preuve d’une Justice saine et indépendante. Mais il faudra alors s’attaquer avec la même fermeté aux politiciens de la droite et du centre touchés au moins aussi lourdement que Lula par des affaires de corruption.

Si, au contraire, l’ex-président représente un choix isolé de victime expiatoire, on pourra se questionner sur les autres raisons qui justifient une telle décision. Seul l’avenir nous en donnera la réponse.

À la veille des élections de l’Automne prochain, Le Brésil est donc dans la tourmente.

Rappelons que le candidat qui talonne Lula dans les sondages est le député Jair Bolsonaro, que nous avons déjà évoqué sur ce site. Évangéliste et misogyne, déjà condamné par ses propos racistes et homophobes, il serait d’après le « Courrier international » de février dernier, « le Trump brésilien qui rêve d’être président ». Il s’est « rendu célèbre pour avoir, entre autres, dit à une ministre qu’elle ne méritait même pas d’être violée. Il s’était également prononcé pour la destitution de Dilma Rousseff de la présidence du Brésil en dédiant son vote au commandant Ustra, célèbre pour avoir torturé des centaines de femmes pendant la dictature militaire, dont Mme Rousseff ».

 

Plus de détails dans l’article suivant, publié ce jour dans Le Monde :

 

« La tentation est grande de confondre le sort de Luiz Inacio Lula da Silva avec celui du Brésil. Une nation émergente qui, sous la présidence de l’ancien syndicaliste, entre 2003 et 2010, enivrée de pétrole et gorgée de soja, de canne à sucre et de café, a réduit drastiquement ses inégalités, amélioré l’éducation, tout en brillant sur la scène internationale. Aujourd’hui, le pays renoue avec l’extrême violence, la misère persiste, tandis que les scandales de corruption ponctuent l’actualité politique.

 

Cette conviction, à laquelle adhère une partie du pays, s’appuie sur les polémiques et critiques suscitées par le déroulement de l’opération anticorruption « Lava Jato » (« lavage express ») et l’attitude du juge Sergio Moro. Malgré les failles, les excès parfois, ces investigations à grand spectacle ont pourtant mis au jour une réalité que personne n’ose nier : l’existence d’une corruption à grande échelle du système politique brésilien. Maires, gouverneurs, députés, sénateurs, ministres et même chefs d’Etat ont pioché dans les caisses publiques et reçu des pots-de-vin de la part d’entreprises, pour financer leur campagne ou leur train de vie. « La corruption au Brésil, ce n’est pas Lula, ce n’est pas le PT [Parti des travailleurs, gauche], ce sont tous les partis au pouvoir », explique un procureur de Curitiba, ville où est née « Lava Jato ».

Quatre ans après son déclenchement, l’opération doit démontrer  au pays que l’emprisonnement de Lula n’est pas un acte politique. Que l’arrestation de celui qui restera l’un des dirigeants les plus remarquables du pays ne signe pas la fin des procédures. Après avoir touché les figures du Parti des travailleurs jusqu’à atteindre son leadeur historique, « Lava Jato » doit s’attaquer avec la même sévérité aux autres caciques des partis du centre ou de la droite.

 

Obstruction à la justice

 

 

La société en doute, même si certains d’entre eux, comme Eduardo Cunha, l’ex-président de la Chambre des députés, ou Sergio Cabral, l’ancien gouverneur de Rio, tous deux membres du Mouvement démocratique brésilien (MDB), ont été condamnés pour corruption. Toutefois, d’autres, inquiétés par « Lava Jato », manœuvrent en coulisse afin de « stopper l’hémorragie ». La phrase est extraite d’une conversation entre le sénateur Romero Juca et le dirigeant d’une filiale du groupe public pétrolier Petrobras, enregistrée à leur insu. Le parlementaire, qui a succédé à la tête du MDB à Michel Temer, l’actuel président brésilien, laissait ainsi entendre une volonté claire de faire obstruction à la justice. Romero Juca est visé par plus d’une dizaine de procédures, mais il continue de siéger sans se sentir  inquiété, au Sénat de Brasilia.

De la même façon, Aecio Neves, candidat à la présidence en 2014 face à Dilma Rousseff, est suspecté de corruption passive et d’obstruction à la justice. Mais son dossier n’a toujours pas été examiné par la Cour suprême, malgré la demande de la procureure générale de la République. S’ajoutent à cette liste diverses demandes de mise en accusation formulées à l’encontre de Michel Temer. Mais celles-ci restent bloquées par le Congrès.

En envoyant Lula en prison, « Lava Jato » démontre dans la douleur que personne, pas même un ancien président, si populaire soit-il, n’est au-dessus des lois. Une révolution est en marche, mais elle ne doit pas s’arrêter là ».

 

 
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/idees/article/2018/04/07/bresil-la-disgrace-d-un-president_5282126_3232.html#g0AJu9x8yDVhvVTx.99
 

 

Les commentaires sont fermés.